Démarrer. A y perdre le nord.
- par Jean-Paul Henri
- dans Information
- sur mai 24, 2022
Après deux ans de privation de liberté, nous avons tous besoin d’un grand bol d’air. Alors proposer de sillonner les petites routes de Gascogne bercé par le son d’un gros mono longue course*, déguster un foie gras à l’ombre d’une tonnelle, se pauser dans une bastide bien de chez nous ou siroter un floc de Gascogne le soir à l’étape est une alchimie qui pourrait bien séduire une clientèle étrangère mais pas que, avide de découvertes authentiques.
Pensez donc, la Gascogne terre des mousquetaires, des canards gras, du «Bonheur est dans le Prés» et de plein d’autres choses encore, c’est tout un programme, mieux, un parfait terrain de jeux pour une nouvelle activité touristique.
Efficace. Simple, pas vraiment. On vous dit tout
Nous avons le terrain de jeu (la Gascogne), les motocyclettes, le site web. A l’heure du presque tout numérique, nous y mêlons les réseaux sociaux et les incontournables influenceurs(ses). On assure ses arrières avec la publicité classique, le réseautage et le tour des amis. Tout cela, c’est pour le côté efficace.
Pour le coté simple, nous repasserons.
Dans notre environnement où le législateur et autres têtes pensantes ne cessent de phosphorer sur ce qui est bon, où le goût pour l’appétence à tout vouloir cadrer et protéger est devenu la norme et où le principe de précaution n’est jamais très loin, et bien, vous avez compris, nous entrons dans une autre dimension qui restreint le champ des possibles. Le mal français?
Imaginez, la simple réservation d’un repas au travers d’un forfait «location + repas» vous classe dans l’activité réglementée d’agence de voyages au même titre que les voyagistes. Non non ce n’est pas une blague. La législation ne fait pas de distinguo entre une grande enseigne qui offre des voyages au long cours et une petite structure qui vous offre la promenade et le casse-croûte pour trois €uros six cents. Comme le rappelle Atout-France qui est l’opérateur de l’état chargé de renforcer le positionnement de la destination France à l’international et d’accompagner le développement de l’offre touristique française, si votre entreprise élabore, vend ou offre à la vente des forfaits touristiques vous devez être immatriculé comme Agence de Voyage. Si Si.
Au final, pour être dans les clous, vous devez vous acquitter d’une garantie financière** et d’une responsabilité civile* Agence de voyage pour proposer le magret grillé et ses amuse-bouche dans votre forfait journée. Nous n’évoquons même pas, les réservations de possibles activités. Elle n’est pas belle la vie ? Nous sommes en droit de nous poser la question sur l’interprétation que se fait Atout France de ce qu’est d’accompagner le développement de l’offre touristique ???
Pas de panique, notre assureur bien aimé et notre banque adorée, nos partenaires de 15 ans vont bien nous dégoter les pièces demandées. Après tout, les sommes engagées à rembourser par nos futurs clients, si nous faisions défaut, sont plus proches du pari joué à la loterie hebdomadaire que du lot mis en jeu. Bref, ce n’est pas avec ça que nous risquerions la banqueroute et c’est encore plus vrai pour eux. Mais cela, c’est ce que nous pensions. Ni la banque, ni l’assureur se sont engagés sur nos demandes… Après des semaines d’attente, sujet très complexe apparemment, les réponses sont tombées : «Nous ne sommes pas habilités» pour notre banque et «Nous ne couvrons pas ce risque» pour notre assureur. En creusant, effectivement des organismes proposent ces couvertures, mais ce n’est pas quelques magrets de canard ou d’oie qu’il va falloir réserver, mais des terrines de foie gras entières et quelques Kg de porc gascon pour régler l’addition. Inimaginable. Inconcevable
On fait quoi? Simple, on supprime le casse-graine et les réservations d’activité, plus de forfait, juste des locations de 2 roues accompagnées de leurs itinéraires offerts. Dans le doute, nous sollicitons Atout-France sur cette nouvelle option. Réponse rapide : «A ce titre, si Atout France est naturellement compétent pour rappeler aux opérateurs les dispositions du code du tourisme applicables à l’immatriculation et les renseigner sur la procédure et les conditions pour l’obtenir, l’agence n’est toutefois nullement habilitée à procéder à un exercice d’interprétation ou de qualification juridique, notamment pour déterminer si tel ou tel opérateur doit être immatriculé ou s’il doit procéder à une déclaration en libre prestation de services. Nous vous invitons le cas échéant à saisir les organismes professionnelles ou solliciter l’assistance d’un avocat». Nous sommes bien avancés et nous ne solliciterons pas notre avocat, il est allé se faire voir ailleurs du coté de Bora Bora.
C’est décidé, nous abandonnons les anatidés, la visite des sœurs de Boulor … l’Agence de Voyage et nous nous recentrons sur la location de motos.
Hip hip hip hourra les motos peuvent être assurées, pas chez notre assureur de 15 ans, non, chez un spécialiste du 2 roues. Pas grave, nous ne sommes plus à un contrat près.
Nous touchons au but, notre activité va pouvoir démarrer. Juste avoir le retour de notre assureur sur le rajout d’une ligne sur notre RC entreprise afin d’être couvert dans le cadre des locations motos. Un mail, 2 mails, 3 mails … silence absolu, il va falloir une fois de plus les harceler au téléphone. Au final, il n’assure pas cette activité. Il était temps de nous en informer. A se demander ce qu’ils assurent …
Et c’est reparti. Nous entrons dans un nouveau feuilleton: «Recherche RC loueur de motos désespérément» Tout y passe, les comparateurs, les grandes enseignes … tous bottent en touche à une exception près.
Nous allons peut être pouvoir démarrer.
* la course du piston entre le point mort haut et le point mort bas est plus grande que le diamètre du piston. Cela donne un caractère coupleux au moteur.
** Caution financière qui couvre l’agence en cas faillite ou de défaillance.